Le Ventoux ? Un endroit magnifique où je suis allé 3 fois : une ascension en vélo de route par Bédoin, un weekend VTT et une journée de VTT descente.
Au printemps, me prend l'idée d'aller monter le géant de Provence par Malaucène, ne connaissant pas cette face.
Pas trop envie d'y aller en voiture, la bicyclette étant un outil de déplacement, j'irai à vélo. Départ de la maison et retour à la maison. Un trajet de 500km.
Ma plus grande sortie à vélo effectuée d'une traite, c'est 240km. C'est donc une belle marche à gravir dans mon expérience cycliste. Un beau challenge.
Je propose le projet à 2 copains, Christophe et David, mais pour cette fois cela ne le fait pas.
La solitude sera ma seule compagnie.
L'été m'occupe à d'autres projets. Début septembre, le « challenge Ventoux » revient agiter le cerveau. La date est posée en fonction de la pleine lune.
Pas de préparation spécifique, « l'entrainement » se résume à rouler régulièrement sur route et en VTT. Des sorties de 2, 3 voire 4 heures, pas bien plus.
L'esprit se prépare tout seul.
L'envie de vivre une nuit magnifique et d'aller au bout du challenge se construit au fil de l'eau.
Deux semaines avant le départ, une dernière bonne virée sur route me mène à la chapelle St Sabin. Je m'y rempli d'énergie. 70Km, surtout pour valider les choix sur le vélo.
Le doute sur la possibilité de la réussite est là.
Ce n'est que du vélo, je décide de m'autoriser le droit à l'échec. Si c'est vraiment trop difficile, je prendrai le train pour le retour, finir en loque ambulante serait ridicule.
Dernier weekend, j'essaye de me reposer un maximum. Juste une petite sortie de 30km pour aller sur la stèle Velocio remettre entre les mains de Paul de Vivie la réussite du challenge.
Dernière semaine, je prête bien attention à la nourriture, l'hydratation. J'essaye de me reposer au mieux, même si le concert de Ben Harper à Clermont-Ferrand le mercredi soir génère un peu de fatigue (mais donne de l'énergie!!!).
Jour J : Départ fixé à 10h00. Lever, gros petit déjeuner. Préparation du paquetage. L'angoisse habituelle du manque de nourriture me prend, je rempli ma sacoche d'un maximum de bouffe. Le choix des vêtements n'est pas évident, en haut du Ventoux il fera froid et en même temps la journée s'annonce assez chaude.
10h10, je ferme la maison, descend à la source pour le traditionnel remplissage des bidons.
C'est parti !!!
Je démarre très doucement pour chauffer tranquillement la machine. La météo est parfaite. Grand soleil, aucun nuage, j'ai une chance de dingue, c'est super motivant. Je traverse le plateau de St Genest, bascule sur Riotord et attaque le première montée en direction de St Bonnet le Froid. Probablement ma route pour cyclotouriste préférée dans le coin. A St Bonnet, je craque déjà et m'achète un sandwich à la boulangerie de Régis Marcon. Une tuerie sans nom à 3,50€ que je déguste au soleil.
Reprise de la route. Je commence à avoir une petite douleur à la cheville gauche. J'ai modifié le réglage de ma cale gauche lors de ma dernière sortie, mais je ne l'ai probablement pas pile poil bien fait. Prochaine pause à St Agrève pour prendre un café en terrasse.
Cale repositionnée correctement, j'attaque la descente qui me ménera jusqu'au Rhône. La descente, par la vallée de l'Eyrieux et très chouette. Pas rapide, très régulière, les paysages défilent doucement.
Le mode gestion s'est activé naturellement. Arrêts pour manger réguliers, tartinage de crème pour le cuissard, hydratation, je laisse faire mon corps, mes envies, sans essayer de réfléchir. Tout au feeling, au plaisir.
Traversée du Rhône, j'arrive dans la Drome. Des petites routes bien sympathiques. La journée se termine, un arrêt dîner avant la nuit. Un bon bouillon bien chaud préparé avec le réchaud et un cake salé maison préparé avec amour me remplissent d'énergie. Une pomme bio bien acide me donne un coup de pied au cul. Je repars, bien décidé à en découdre avec le Ventoux, l'impatience d'être à son pied commence à m'envahir.
Un petit col à passer, le soleil se couche, la lune se lève, les lumières sont grandioses.
Grignan, superbe village où un très beau café-restaurant m'invite à boire un café. Du Lavazza, nickel chrome, c'est ce qu'il me faut pour entamer la nuit.
Vaison la Romaine vers 22h00, je donne des nouvelles à mes parents et à Sandrine avant de finir l'arrivée au pied du Géant.
22h40. Cette fois on y est. Arrêt devant le panneau lumineux indiquant que le col est ouvert, sommet à 21km !!!
J'organise mes affaires pour que les vêtements chauds soit très facilement accessibles. La-haut, faudra pas traîner pour se couvrir.
J'attaque la montée en essayant de savourer ce moment. Pas un nuage dans le ciel, la lune bien lumineuse, la route déserte, tous les feux sont au vert.
Les 5 premiers kilomètres passent facilement. Sur une portion dégagée, une pause pipi me permet d'apprécier la beauté du lieu sous la lumière lunaire, le silence est saisissant.
Je repars, c'est difficile, j'ai un gros coup de moins bien. Je pense avoir faim, je m'arrête manger. Je repars, mais c'est bien dur. Nouvel arrêt pour manger plus sucré et je remonte sur la machine. Je lutte face à la pente, pas de force.
Je finis par me rendre compte que j'ai froid, un coup d'oeil au compteur qui indique...3°C, ceci explique cela.
J'ai volontairement gardé des vêtements secs de rechange pour la descente, mais je décide de les mettre, je me caille trop. Bonnet sous casque, gants longs, j'enfile même la doudoune que je ne porte en principe qu'à l'arrêt.
Encore une dizaine de kilomètre qui s'égrènent péniblement. Des bornes indiquent les kilomètres restant, elles défilent bien lentement.
Il suffirait de faire demi-tour pour mettre fin au supplice et redescendre au chaud dans un bar à Malaucène...
Renoncer ? Plutôt mourir !!!
L'ambiance est fabuleuse. Je me concentre pour écouter les bruits, mais c'est le silence absolu. L'immensité de cailloux clairs est sublimé par l'éclairage de la lune.
Absolument seul, j'ai le sentiment d'avoir pu privatiser le Mont Ventoux pour une soirée.
Ces moments seront gravés dans ma mémoire pour toujours.
Je pousse sur mes pédales, cherchant régulièrement à mettre un développement plus court....mais qui est à chaque fois déjà utilisé....
3 km, je m'arrête encore.
2km, l'observatoire me domine, ça sent la quille.
1km, ça va l'faire !!!
A y'est, la face sud me prend dans ses bras, les quelques derniers mètres, je suis au pied de l'observatoire !!!
Je pose mon vélo sur le mythique panneau « Sommet Mont Ventoux 1911m ».
1h45. Sacrément content d'y être.
Il ne fait pas trop froid au sommet, 7 degrés. Aller hop, je m'offre un café. Réchaud sorti, je me fais un gros repas plaisir : pain saucisson, fromage, tout y passe.
Café chaud dans le bide, une petite photo du panneau et j'entame la descente. Je suis congelé, je tremble et dès que je freine, le vélo entre en vibrations.
La descente va être coton. Pas le moment de s'en mettre une, personne pour me relever dans ce désert de cailloux. Prudemment, j'arrive à Bédoin.
J'espérai trouver un établissement ouvert pour boire un truc chaud, mais il est environ 3h00 du mat...
Je commence à avoir sommeil, m'endors carrément même.
Je dois m'arrêter si je ne veux pas tomber.
Recherche d'un coin pour dormir un peu.
Un pré au bord de la route fera l'affaire.
Enroulé dans ma couverture de survie, je grelotte pendant 1 heure et demie environ, mais arrive à dormir un peu.
Le froid me pousse à repartir. Un petit col à passer pour revenir à Malaucène, que je traverse un peu avant 6heures. Grand bonheur, un troquet est ouvert !!!
Je m'y réfugie. Le serveur portant fièrement un maillot de l'OM me demande si je vais monter le Ventoux. Je lui explique en descendre.... »mais vous n'êtes pas un m' peu fada ?»
Je discute avec un gars sympa au bar qui connait un peu St Etienne.
Je leur fais mes adieux et vais à la boulangerie qu'ils viennent de m'indiquer. Un gros pain au raisin avalé, on reprend la route.
La deuxième partie du périple démarre : le retour. Déjà 270kms et 4000 m de dénivelé.
Le jour se lève petit à petit. A ma gauche, la lune se couche, alors qu'à ma droite le soleil se lève au loin sur le Ventoux, vision magique.
Encore un arrêt bouffe, je finis presque tout ce que j'ai emmené. Je redonne signe de vie à mes proches après la nuit.
Vers 9h00, ravitaillement dans une boulangerie. Pizza, faluche, tarte, et la potion magique qui devient indispensable, une bouteille de coca.
Le Rhône passé, j'entame ma lente, très très lente ascension jusqu'au Mont Pilat.
Le plaisir n'est plus trop là, j'ai envie d'arriver.
Vers 12h30, je dézingue ce que j'ai acheté à la boulangerie, et fais une petite sieste d'1/4 d'heure.
De pause bouffe en arrêt tartinage de crème j'avance doucement, mais sûrement.
Si je pouvais être à la maison en un claquement de doigt, j'aimerai bien...mais c'est pas si simple la vie !!!
St Bonnet le Froid, c'est le symbole de la fin des difficultés. Ça ne monte plus beaucoup ensuite. Descente sur ma plus belle route. Après tous ces kilomètres effectués en terre étrangère, notre région me paraît encore plus belle par sa richesse en eau, en couleur, en vitalité.
Riotord, dernière montée, puis cela bascule jusqu'à Marlhes.
Fred et Jean-Philippe sont venus à ma rencontre et m'y retrouve. Bien content de les trouver, ça fait chaud au cœur. Avec eux, les 15 derniers kilomètres passent tout seul.
Bourg de St Genest, le compteur indique 500kms.
La Palle, content d'être à la maison....